Je suis né l'année des 20 ans de ma mère. Mon père était meunier. Face à l'océan dans un pays de vents, d'eau douce et de craie. On m'offre mon 1er appareil photo à 12 ans (un Instamatic Agfa). A 14 ans des garçons plus âgés m’entraînent à constituer un " club photo ". Je ne me suis jamais arrêté de faire de la photo. J'ai maintenant plus d'un demi siècle d'existence...
Libertaire, objecteur de conscience j'ai préparé mon bac dans la forêt et suis reçu alors que j'ai déjà un enfant de 3 mois. Je suis allé jusque des études supérieures (psychopathologie clinique (doctorat) et suivi des enseignements de philosophie et d'histoire de l'art). Pour partie autodidacte en photographie.
Ce doit être très lié pour moi à la genèse, l'angoisse de mort, la phobie de la perte : je suis devenu photographe compulsif au moment de la naissance de mon 1er enfant. Je n'ai plus jamais cessé.
(...ah et puis adolescent très timoré (presque autiste) cela me permettait d'approcher les filles.)
Je révèle ici que c'est un médium très lié au désir. Absolument.
Pour payer mes études, gagner un peu ma vie j'ai beaucoup photographié les musiciens de jazz (une autre passion), la boxe , la danse…
Je viens de l'avouer à l'instant. C'est un médium privilégié pour tenter de figurer le désir. C'est une activité contra-phobique.
L'être humain dans sa dimension d'insaisissable, d'incompréhensible. La dimension de langage de l'humain. La beauté. Je dis la beauté car je n'ai jamais pu ni photographier ni conserver une image de quelque chose d'horrible ou de dégradé/dégradant. La lumière. Le son de la lumière m'obsède, la beauté vibrante. Ce qui est simple. Nu.
Je voudrais que mes images apaisent. Interrogent mais sans heurt. Je dis souvent que je voudrais que mes images soient reçues comme une musique de Bach, de Miles Davis...
Un accroche désir. C'est un mystère la sensualité. Ça a à voir avec la lumière, un détail dans l'épure.
Très jeune j'ai été très influencé par Raymond Depardon. Il m'a appris à cadrer, épurer. Puis Richard Avedon et Peter Lindbergh. Paolo Roversi me fascine littéralement.
Tout pré-existe en moi avant... mais à l'état d'ébauche, d'impressions parfois de phrases de lectures... Je dois absolument rencontrer avant toute séance la personne avec laquelle je vais travailler. Je donne très peu d'indication et recueille ainsi ce qui m'est donné dans le hiatus de ce qui a été compris ou pas par le modèle. Je constate que je recueille alors ce qui m'est donné.
Un Nikon depuis toujours pour le 24X36. En moyen format un Mamyia. Différents Polaroïd.
Je me suis mis au numérique très tard (cela c'est alors accompagné de ma découverte de la couleur). Mais je travaille comme en argentique. Je ne regarde jamais mes photos sur écran pendant une séance. Plus tard, quand je reviens au monde... Mes séances sont brèves, m'épuisent bien que je travaille dans le calme.
Mon travail a évolué essentiellement par les méandres empruntés : les événements de vie même, me débarrassant de scories trop intellectualisés. Et puis surtout, l'étude de la peinture et la lecture assidue de beaucoup de poésie.
D'abord très suspicieux de ce média je ne pourrais plus m'en passer. Il m'a permis comme aucun autre média avant ne le pouvait de partager mon travail et de connaître et échanger avec beaucoup d'artistes et gens de ce milieu.
Je demeure pourtant très paresseux à y travailler (site, etc..).
Le partage et d'être stupéfait par d'autres approches que les miennes. La rencontre avec "l'image qu'on aurait aimé faire". Cela m'est arrivé sur SP.
Ce sont mes rencontres qui me les dictent. Mes angoisses qui les nourrissent. Mes lectures qui les accompagnent.
Que cela ne s'arrête pas…