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Interview de Freddy Rapin

Pouvez-vous vous présenter un peu, dire quelques mots sur votre parcours ?

Rien n’a particulièrement circulé droit dans mon parcours de vie. Avec du recul, je me dis que les chemins sinueux apportent peut-être, une vision plus relative sur le monde. Je délaisse des études techniques qui m’ennuient pour intégrer l’Université d’Arts Plastiques à Rennes en 1994. Après quatre ans de lycée catholique de garçons, c’est un véritable choc ! Le couvercle qui saute me fait découvrir le monde des arts, de la pensée, de la culture. Un monde qui désormais rythmera ma vie passionnément. J’ai aujourd’hui 39 ans.

Quand, comment et pourquoi avez-vous commencé à faire de la photographie ?

L’acte photographique a germé sur le tard, seulement à l’âge de 22 ans. Il s’est conscientisé dans le noir profond d’un amphithéâtre pendant la projection du film-documentaire I’ll be your mirror de Nan Goldin. On pouvait y voir la jeune artiste se débattre avec la vie, la drogue, témoignant qu’elle était venue à la photographie dans l’espoir de tromper la mort, de pouvoir garder une trace de ses proches alors emportés par la vague du sida. Le documentaire se clôt sur la note amère d’un véritable leurre. Elle y explique que l’effet est malheureusement inverse. Non seulement l’action photographique ne peut empêcher la disparition, elle apporte également la preuve, par l’image révélée, de la véritable perte. La mort ayant rythmé mon existence depuis l’enfance, je veux être aussi piqué par la naïveté de croire que photographier, c’est garder les gens vivants.

Qu’appréciez-vous dans ce moyen d’expression ?

Il fige le temps et nous fait croire à l’immortalité.

Quels sont les thèmes que vous aimez photographier ?

L’humain. Par toutes ces facettes, sous toutes ces coutures. Dans son rapport au monde, dans ses interrogations, dans ses contemplations, dans son intimité, dans sa fragilité, dans sa nudité. Le temps. Je photographie tout particulièrement mes ami(e)s depuis 19 ans et suis heureux de la confiance qu’ils (elles) me portent, de pouvoir les suivre tout au long de leur vie. Mes images se chargent ainsi du temps qui passe, notion qui me hante autant qu’elle me fascine...

Que cherchez-vous à partager au travers de votre photographie ?

J’ai besoin que mes images racontent des histoires. Qu’elles puissent être regardées, bien sûr, mais surtout lues. Je tente de les faire fonctionner comme des livres. J’aime les associer en créant des diptyques, pour qu’elles dialoguent entre elles. Sensible à la poésie, j’appose des poèmes ou extraits de poèmes, tout particulièrement ceux d’Emily Dickinson (poète américaine du 19ème siècle) ou ceux de Mimy Kinet (poète belge contemporaine).

Quelle est votre conception de la sensualité ?

Le détail qui transforme l’émotion en frisson derrière l’épaule.

Quels sont les photographes qui vous fascinent et/ou vous inspirent ?

Je suis fasciné par le pouvoir des bouts de papiers photosensibles. Que l’artiste soit connu ou pas m’importe peu, seul compte l’honnêteté, le travail, l’authenticité et la sensibilité. Nous retenons souvent l’empreinte de la photographie au détriment de son concepteur, comme si finalement les photographes, derrières leurs boîtiers réussissaient à se faire vraiment oublier. Certains pourtant sont indissociables de leurs images : Nan Goldin, Sarah Moon, Paolo Roversi, Jean-Loup Sieff, Peter Lindberg, Bettina Rheims, Mona Kuhn, Karl Lagerfeld…

Comment préparez-vous une séance de prises de vues ?

Idéalement, j’aime bien échanger avant, sentir les envies, les attentes respectives, parler du contenu des armoires… surtout avec les modèles que je ne connais pas encore assez, ça me rassure. J’ai besoin d’un point de départ. Je ne veux pas intellectualiser toute la séance photo, je veux aussi laisser la place à l’imprévu. Mes idées ne sont jamais arrêtées au point de demander aux personnes de venir jouer un rôle. La photographie est pour moi un échange, une rencontre. Ensuite je croise les doigts pour que la magie du moment nous emporte.

Quel(s) boîtier(s) utilisez-vous ?

J’ai travaillé en argentique pendant 15 ans avec différents boîtiers, Pentax, Canon, Mamiya et mon papier de prédilection était le Warmtone de chez Ilford. Aujourd’hui je travaille quotidiennement en numérique, mais j’ai honte d’écrire que je suis encore équipé du démodé reflex numérique 50D.

Quelle(s) techniques préférez-vous ?

Disons que j’ai gardé mes vieilles habitudes de photographe argentique. Je ne travaille pas en rafale et je laisse mes cartes quelques jours au placard avant de poser un œil dessus. Quant à la prise de vue, je privilégie la lumière naturelle tamisée et capricieuse.

Comment et pourquoi votre photographie a-t-elle évolué ?

Probablement parce qu’elle suit mon évolution personnelle. Avec le temps, on apprend à mieux se connaître, à s’apprivoiser, à contempler plus sereinement. La photographie en est le témoin.

Que vous apporte le média Internet ?

Le média Internet me semble aujourd’hui indispensable à tout créateur. Il permet de montrer facilement son travail, d’échanger à l’infini, d’avoir des retours et n’oblige plus les provinciaux à « monter à Paris ! » Il donne la chance à tout le monde. C’est un espace virtuel libre qu’il faut habiter et rendre accueillant.

Qu’attendez-vous d’un site comme Sensual Photography ?

J’attends, par sa notoriété, qu’il démontre que la photographie est et restera toujours une histoire sérieuse de créateurs exigeants dans le monde de l’art, et ce, malgré la vulgarisation du médium.

Quels sont vos projets ?

En parallèle à mes images couleurs articulées sous forme de diptyques, je travaille sur une série qui me tient très à cœur. Nommée « La Rayure » mes modèles sont invités à venir évoluer dans les mêmes conditions d’un espace identique. Les images sont alors construites dans un esprit de laboratoire, plus expérimental, avec une recherche hommage aux procédés anciens. Attentif aux opportunités d’expositions, je suis en recherche perpétuelle de nouveaux lieux, la lecture sur papier étant pour moi une valeur ajoutée.

Que souhaitez-vous ajouter ?

Je tiens à féliciter et remercier les administrateurs de Sensual Photography d’avoir réussi le pari de réunir en seulement quelques mois plus de 1500 photographes du monde entier, d’éditer un livre, et de porter si bellement les âmes créatives vers le haut.

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